mardi 25 novembre 2014

Les escaliers

Il y a quelques semaines, je suis tombée dans les escaliers. J'ai loupé une marche, tout en haut, j'ai glissé, je me suis emmêlé les pinceaux, j'ai basculé en avant et j'ai tapé la tête la première dans un meuble.

Je suis restée inconsciente pendant quelques minutes sous les yeux de mon petit garçon de deux ans et demi et de mon frère qui était venu passer quelques jours à la maison. Perdu, il a appelé mon beau-père à la rescousse, les secours sont arrivés, puis ma bisounette, Cindy, dont je t'ai déjà parlé. On m'a emmenée à l'hôpital dans une ambulance lancée à toute vitesse. J'y ai retrouvé mon mari et mon beau-père et des aides-soignantes, des infirmières, un médecin, deux radiologues se sont occupés de moi pendant une journée sans fin.

Munie de médicaments et de souhaits de bons rétablissements, j'ai pu rentrer chez moi où tout le monde a été aux petits soins, et aujourd'hui il ne reste presque aucune trace de ma commotion cérébrale, de mes déchirures et de mes multiples contusions.

J'ai eu de la chance.

J'ai de la chance. Aujourd'hui j'ai de la chance.

Il y a quelques années, sept années pour être précise, je suis tombée dans les escaliers. J'ai loupé des marches. J'ai glissé, je me suis emmêlé les pinceaux, j'ai basculé en avant la tête la première, je me suis cognée dans un meuble. Je suis restée inconsciente.

Pas une fois.

Une fois par mois. Puis une fois par semaine. Puis un jour sur deux.

Il n'y avait personne pour appeler les secours, personne pour prendre soin de moi, personne pour me souhaiter bon rétablissement.

Je n'étais pourtant pas seule. J'avais des voisins, j'avais des collègues, je croisais des inconnus dans la rue.

Mais personne n'a voulu se mêler de ce qui ne le regardait pas.

Tu dois te demander pourquoi je te parle de ça aujourd'hui. Tu es là, installé peinard dans notre canapé mou, tu t'attendais à ce que nous parlions de cheveux, peut-être, et je viens t'ennuyer avec mes souvenirs d'ancienne combattante.

Aujourd'hui, nous sommes le 25 novembre et c'est la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes. Je ne pouvais pas ne pas t'en parler, par respect pour la jeune femme que j'étais, il y a sept ans, couchée par terre en larmes, à attendre qu'une main se tende.

Et si tu fais partie de ces gens qui pensent que ça ne sert à rien, qu'elles ne partent pas ou alors y retournent toujours, sache que je suis partie parce qu'un jour quelqu'un a pris le temps de m'écouter. Et ce jour-là, cette personne m'a dit "Tu ne vis pas une relation difficile. Tu es une femme battue."

Je ne le savais pas.





8 commentaires:

  1. il y a aussi ceux qui savent mais qui font semblant de pas comprendre ! ceux qui pourraient t'aider mais que ça dérangerai trop dans leur petite vie ! ceux qui voient mais qui disent elle l'a bien cherché ... et puis un jour il y a celui qui te dis viens je vais te protéger ! et il y a des choses que l'on oublie jamais...

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    1. Non, on oublie jamais. Mais on vit avec, et c'est de moins en moins difficile, avec le temps...
      Courage à toi...

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  2. Il y a environ 1,5 ans, il était tard, très tard... c'était la nuit. Comme nous étions en été, j'avais l'habitude d'entendre du bruit dehors car les jeunes se réunissaient jusqu'à des 3H00 passées du matin, donc je n'avais pas prêté attention au vacarme. Ça durait depuis des heures, mais comme ça n'était pas gênant, que de plus notre chambre donnait sur l'arrière et qu'en outre je n'étais même pas couchée, pas la peine de s'affoler... tant mieux si les gamins aux hormones affolées s'amusaient, même bruyamment.

    Et puis vers 2H00, je lève mon derrière du canapé, je lâche enfin mon clavier et coupe le son de la musique... je vais voir à la fenêtre, car le son s'amplifie. Je tombe sur ma voisine, elle aussi à sa fenêtre qui me dit : ça fait des heures que ça dure !
    Et moi de lui répondre, ayant compris que ça n'était pas les gosses : Des heures ??? Et y a personne pour appeler les secours dans ce pays ? Vous savez où ça se passe ?
    La voisine m'indique une maison un peu plus loin. Effectivement on entend crier une femme...
    Elle ajoute qu'elle a entendu comme des coups, des pleurs, des cris ! Et que... ça n'est pas la première fois !!!
    Là, je suis sidérée, baba... j'ai déjà remarqué que le Belche (pardon Fouphie...) réagit encore moins que le Gaulois (chez ses gens-là Madame on ne parle pas, on n'échange pas...), mais là, c'est le pompon ! La conne de voisine est au spectacle audio depuis des heures et ne bouge pas le petit doigt ! Gageons que toute la rue a entendu, sauf les gens comme moi ayant la fenêtre fermée et prenant les cris lointains pour des rires et cris hystériques de jeunes filles aux hormones XXXXL en compagnie de copains aux hormones idoines...
    Là, en ayant assez entendu (c'est le cas de le dire), je dis à la voisine que je suis sidérée qu'elle n'ait pas bougé, que c'est grave peut-être, qu'on ne peut laisser les gens sans réagir, que je vais y aller et sans doute appeler la police !
    Au moment où je dis ça... la femme chez qui a lieu la bagarre sort. J'attends quelques instants car elle vient de notre côté. Je lui demande quand elle passe, où elle va, si elle veut qu'on appelle du secours ? Aucune réponse, elle a continué son chemin...

    Cette " dispute " s'est déroulée, je l'ai su après car j'avais emménagé très récemment, chez un couple de personnes handicapées mentales... ce qui explique qu'elle ait complètement zappé ma demande, comme si j'étais transparente. Je pense que ça n'a pas poussé les gens à bouger. Le handicap, ça fout la trouille... alors si à cela on ajoute l'autisme belche un peu comme les Trois singes de la sagesse... mais sans la sagesse et la violence, tout était réuni pour qu'on laisse tranquillement un couple s'entretuer !

    Alors certes, dans mon activité professionnelle j'ai été habituée à côtoyer des femmes victimes de violences, mais est-il vraiment nécessaire de posséder cette expérience pour penser qu'il est évident et nécessaire d'appeler les secours ?!!!... Ne pas se mêler de la vie d'autrui certes, mais il y a des limites ! Surtout quand s'en mêler ne nous met nullement en danger nous-même !

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  3. J'appelle la police à chaque fois que j'entends des cris. Je ne sais pas si ça sert à grand-chose mais je ne me vois pas ne rien faire.
    Pas facile non plus d'aider plus efficacement des gens qu'on ne connaît pas ou qui, comme tu le dis très bien, ne prennent pas la mesure de ce qui leur arrive.

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    1. Bien-sûr que ça sert à quelque chose !!! C'est le seul réflexe à avoir ! Mieux vaut prévenir que guérir... ou même ne plus pouvoir guérir, car il n'y aura plus personne à guérir...

      http://stop-violences-femmes.gouv.fr/Les-chiffres-de-reference-sur-les.html (pour la France, toutes violences confondues)

      http://www.amnestyinternational.be/doc/les-blogs/le-blog-de-claire-pecheux/article/violences-conjugales-ou-en-est-la (pour la Belgique, moins au courant des chiffres semble t-il)

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  4. il y a 30 ans de ça une femme battue c'était tabou ! personne n'en parlait et pourtant il y en avait ! aujourd'hui il y a même des pubs à la télé pour dénoncer cette torture du quotidien ! et c'est vrai qu'aujourd'hui ne rien dire c'est participer. Les femmes battues sont écoutées et aidées et j’espère que si l'une d'entre elle ne serait ce qu'une qui lit nos messages, nos témoignages, se sentira moins seule et qu'elle se dise que la seule issue c'est la fuite il n'y a pas d'autres solutions. et surtout qu’elle ose en parler ici si elle le souhaite en anonyme. Ton post Sophie m'a beaucoup touché. d'une part parce que sur un blog comme celui là c'était vraiment inattendu, et surtout parce que tu te livres à nous et depuis hier que j'ai lu ton post ça m'a fait replonger dans le passé... bref merci

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  5. Ce n'est pas si facile que ça d'en parler. Les gens croient que tu exagères, que tu inventes, que c'est pour te rendre intéressante ou attirer l'attention... et tu finis par ne plus en parler car tu ressens la gêne des autres... et que voir l'indifférence des autres rend les choses encore plus insupportables.
    Finalement tu finis par espérer passivement que quelque chose changera, que la situation se résoudra d'elle-même, qu'une force extérieure voudra bien te sortir de cet enfer et voilà comment tu finis par subir sans rien dire. T'as simplement arrêté de chercher de l'aide car tu n'en as plus la force, car tu as peur de tomber encore une fois sur le jugement des autres. Parce qu'en fait personne n'a envie de s'impliquer dans une telle histoire, il n'y a pas un seul fou pour s'étendre sur une misère aussi grande.
    Ma famille a eu de la chance, le problème s'est bel et bien résolu par lui-même, avec le temps, mais quand je pense à tout ce temps perdu ça me révolte. Si certaines personnes avaient fait leur boulot nous aurions eu quelques années de paix en plus... et ça compte. Bon sang qu'est-ce que c'est long quelques années quand on les passe dans ces conditions...

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